Rémy

Publié le par Christel Galtier

Rémy dans son transat, avec l'étoile, nounours et la lune

Rémy dans son transat, avec l'étoile, nounours et la lune

J’étais là, dans le salon, bien tranquillement installé dans ce que mes parents appellent un transat. A les entendre parler de transat, je me croirais presque en vacances, au bord de la mer, un grand parasol au-dessus de la tête, ou bien dans un beau jardin, à l’ombre d’un arbre, étendu et somnolant sur cette fameuse et confortable chaise longue, à bascule de surcroît ! Le fauteuil cinq étoiles du bébé : LE TRANSAT !

Euh… Je disais donc que j’étais confortablement installé sur ce siège spécialement conçu pour les petits bébés comme moi (j’ai six mois environ je crois… Comment le saurais-je ? Je ne sais pas compter !), une ceinture de sécurité m’enserrant délicatement la taille… Oui, au cas où peut-être il me viendrait l’idée de m’échapper pour faire des bêtises. J’ai mille sottises en tête que je garde pour plus tard, quand je serai plus grand. Encore une drôle d’idée cette ceinture non ? Clic, c’est le petit bruit qu’elle produit à sa fermeture. Clic ! Je sais qu’il va falloir attendre un moment avant de retrouver le sein de ma maman. Alors clic et je pleure, clic et je crie. Des fois ça marche, maman revient, défait la ceinture et me prend dans ses bras un moment encore.

Qu’étais-je en train de dire déjà ? Ah oui ! Ainsi j’étais là, bien tranquille, étendu nonchalamment dans mon siège « haute sécurité », la tête dans les étoiles et l’esprit dans la lune, quand, tout à coup… Les étoiles et la lune ? Quelle poésie n’est-ce pas ? C’est tout un univers cosmique qui évolue devant mes yeux émerveillés. Une étoile qui fait pouet pouet quand papa la presse et une lune qui fait ding ding lorsque Aurélie, ma grande sœur qui a un an et demi, la secoue. Quelle cacophonie me direz-vous ! Remarquez que ces bruits ne m’ennuient pas, ils m’amusent plutôt ! Alors ding ding et je souris à Aurélie, pouet pouet et je ris aux éclats pour mon papa.

Quel bonheur ! Pardon ? Aurais-je perdu le fil de ma pensée ? Je suis parfois un peu rêveur. Donc, j’étais là, paisible, dans mon transat, à regarder petit nounours se balancer lentement entre la lune qui fait ding ding et l’étoile qui fait pouet pouet quand… Le nounours ? Voulez-vous que nous parlions de petit nounours ? Il est adorable ! Il se balance d’avant en arrière, suspendu au centre du arceau de mon transat, comme un incroyable trapéziste. Je ne me lasse pas de le regarder.

Bref ! Venons-en au vif du sujet, voulez vous ? Je vous trouve un tantinet distrait. Faisons court je vous prie. Alors, clic, je suis dans mon transat, pouet pouet, ding ding, petit nounours quand soudain la voilà qui traverse mon champ de vision : LA BÊTE !

Au début, elle n’a fait que passer alors je ne l’ai pas bien vu. Il a fallu attendre qu’elle veuille bien revenir. Si véritablement il s’agissait d’une bête, elle ne semblait pas bien grosse donc je n’ai pas eu peur. A première vue, on aurait plutôt dit une bébête. Par contre j’ai été tout de même bien surpris. J’ai attendu, j’ai attendu encore, la bébête n’est pas reparue ou peut-être que si, je ne sais pas, je me suis endormi.

Clic ! Cette fois je n’ai pas pleuré quand maman m’a installé dans mon transat car j’espérais bien voir la petite bête. Un peu de patience. Ce n’est pas mon for, la patience mais bon, je reste calme, bien sage comme disent les grands. Je ne voudrais pas effrayer la bête si elle voulait bien revenir. Alors j’attends et la voilà ! De nouveau elle passe devant mes yeux éberlués. Plus lentement cette fois. Elle monte du côté de l’étoile, passe bien tranquillement devant nounours et redescend sous la lune.

J’ai bien pu la voir mais elle reste difficile à décrire. Un peu rose, d’une forme très étrange avec des tentacules dressées sur la tête. Cela paraît affreux, je sais, mais je vous assure que pourtant, elle n’était pas si horrible que cela. Elle me paraissait bien inoffensive en tout cas.

Je n’ai pas eu à attendre bien longtemps pour voir de nouveau la bébête pointer le bout de ses tentacules. J’ai essayé d’attirer son attention sans l’effaroucher. Je l’ai saluée : « Areu ! » Elle a stoppé net. Elle a pivoté sur elle-même, lentement, dans un sens puis dans l’autre, ses tentacules se repliant et se déployant successivement. Impressionnant ! Cette scène s’est reproduite plusieurs fois ainsi. Et ma bête restait de plus en plus longtemps. Il me semblait qu’elle aimait bien ma compagnie. Elle se pavanait, se tortillait, faisait la roue devant mes yeux.

Et puis un jour une chose d’extraordinaire s’est produite. J’étais en train de parler à la bébête quand une deuxième bête a surgi ! La première est restée là, innocemment, pliant et dépliant ses tentacules comme pour dire bonjour à sa congénère. Mais la seconde me paraissait sournoise. Elle s’est hissée sous l’étoile, est passée devant nounours… SAUVE TOI BEBÊTE ! L’AUTRE BÊTE VA T’ATTRAPER ! « Areu ! » J’ai crié. Mais ma bébête n’a rien compris et elle est restée là, confiante, à faire la roue. Alors, avec un mouvement un peu gauche mais rapide, la deuxième bête a avalé la première dans ses terribles tentacules.

A ce moment là j’ai éprouvé une étrange sensation. Comme si c’était moi qui était emprisonné dans les tentacules de la bête. Et en même temps, j’avais l’impression que c’était moi aussi qui avait attrapé ma bébête. J’étais totalement déboussolé ! Je me suis même évanoui sous le coup de l’émotion. Enfin… Je me suis endormi.

Quand je me suis réveillé, aucune bête ou bébête ne dansait devant mes yeux. Seul petit nounours se balançait mollement entre l’étoile et la lune. J’avais perdu tout espoir de revoir un jour ma bébête. Pourtant elle est revenue, saine et sauve, et accompagnée de l’autre bête. Elles semblaient s’entendre, mêlaient leurs tentacules, se frottaient l’une contre l’autre… Captivé par ce duo spectaculaire, j’appelai Aurélie pour qu’elle vienne voir ça : « Areu ! »

Aurélie est arrivée à petits pas, un peu endormie. Elle venait de se réveiller de sa sieste et attendait son goûter.

Que se passe-t-il Rémy ? Veux tu que je fasse ding ding avec la lune ? me demanda-t-elle toujours gentille et prévenante.

Laisse tomber la lune ! Regarde plutôt ça ! lui ordonnai-je tout excité.

Regarder quoi ? s’étonna ma sœur.

Là ! Devant nounours !

Quoi ?

Aurélie ne semblait pas comprendre.

Mais ne vois-tu pas mes bêtes ? insistai-je.

Tes bêtes ? Où ça ? S’écria aurélie plus enthousiaste qu’effrayée.

Juste là ! Devant la lune, petit nounours et l’étoile ! Elles bougent leurs tentacules, regarde ! Elles tournent, elles…

J’avais l’impression de perdre la boule. Aurélie ne semblait pas voir les bêtes. Mais à ce moment là, alors que je commençais à penser qu’elles n’étaient visibles que pour moi, Aurélie attrapa l’une des bêtes dans un mouvement un peu brusque et inattendu. Je ressentis alors un léger pincement et en même temps, j’entendis mon papa s’exclamer : « Aurélie, doucement avec ton frère ! Tu vas faire mal à bébé. »

Aurélie s’empressa de lâcher ma bébête et la sensation de pincement disparue instantanément. Libre, ma bête étendit de nouveau ses tentacules.

Pardon, j’espère que je ne t’ai pas fait trop mal ! s’excusa ma sœur.

Non, ça va, balbutiai-je, incrédule. Mais je ne comprends pas…

Quoi donc ? Demanda Aurélie.

Je n’avais jamais remarqué que tu avais des bêtes aussi.

Christel Galtier


 

Publié dans Nouvelles

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J
Remy c'est exactement ce que vit mon garçon de 8 mois en ce moment. Bien rigolote cette nouvelle. Merci Chrystel !
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C
Merci. Oui Rémy a bien grandi depuis puisqu'il a 17 ans. Mais je n'oublierai jamais ses grands yeux ronds de bébé quand il a decouvert sa main.